notre Jaurès
L'œuvre littéraire et politique de Jean Jaurès est un trésor dans lequel viennent piocher les admirateurs les plus étonnants. Vous pensez à Sarkozy ou au front national bien sûr, mais on en voit aussi à l'autre extrémité du jeu politique.
Par exemple lorsqu'un élu PCF profite de l'inauguration d'une conférence organisée par la Médiathèque de l'agglomération niortaise (voir ici) pour définir Jaurès comme "une des voix du Marxisme à la française."
Jaurès marxiste ? Pour l'analyse du capitalisme et la dénonciation de l'exploitation, oui ! Mais s'agissant de l'action politique, combinaison d'idéal et de réel, le député du Tarn a très vite perçu tout le danger que le fameux manifeste de Marx et Engels récité comme un catéchisme faisait planer sur les libertés individuelles.
Chacun sait que Jean Jaurès est le fondateur du socialisme démocratique à la française, inspirateur de Léon Blum et défenseur acharné de la Liberté, d'ailleurs certains communistes ne lui ont toujours pas pardonné. Lisez plutôt ce qu'ils en disent aujourd'hui encore : "Jaurès était un homme de grande culture et de talent, un orateur remarquable. Il a joué, dans le mouvement ouvrier français, un rôle similaire à celui de Ferdinand Lassalle en Allemagne, à qui Marx et Engels avaient attribué le réveil politique de la classe ouvrière allemande. Mais Jaurès – comme Lassalle – n’était pas un marxiste. Jaurès croyait discerner quelque chose de progressiste dans la IIIe République, érigée sur les cadavres des Communards et le pillage colonial. Jaurès se positionnait nettement sur la droite de l’Internationale Socialiste, aux côtés des représentants de la Société des Fabiens en Grande-Bretagne et des dirigeants du socialisme hollandais. Son assassinat lui a évité de passer l’épreuve du 4 août 1914, date du ralliement officiel des dirigeants socialistes français à la guerre impérialiste. Par ses idées bourgeoises républicaines, par ses formulations ambiguës et opportunistes, par son patriotisme, il a contribué au désarmement politique des travailleurs français face à la guerre." (extrait du site "La Riposte" présenté comme "l'aile marxiste du PCF") Bref, le parfait social-traitre !
A ceux qui seraient encore tentés d'embrigader le grand Jaurès dans leur nostalgie léniniste, une petite citation à méditer :«si nous allons vers l'égalité et la justice, ce n'est pas aux dépens de la liberté : nous ne voulons pas enfermer les hommes dans des compartiments étroits, numérotés par la force publique. Nous ne sommes pas séduits par un idéal de réglementation tracassière et étouffante». En quelques mots, Jaurès prononce la condamnation prémonitoire du modèle soviétique et de sa bureaucratie toute-puissante, qui décrète l'émancipation du peuple et se traduit par l'enfermement des consciences et des êtres.