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ENERGIES SOLIDAIRES
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27 décembre 2009

Version intégrale de l'article paru en dernière page du Travail (décembre 2009)

La mystification

En 2007 l’utilisation de la mémoire de Guy Môquet m’avait mis mal à l’aise et même fortement agacé. Pourquoi ce nouveau président dont l’inculture historique est flagrante se précipitait-il ainsi ?  Pourquoi le maire de Neuilly n’avait-il pas donné le nom du jeune martyr à une rue de sa ville ? C’était évidemment un coup médiatique, et  même un coup double. Au moment où Nicolas Sarkozy, comme Guy Môquet, s’inscrivait dans le roman national, il se donnait une image d’ouverture en braconnant sur les terres mémorielles de la gauche.

Un usage politique de l’histoire

Faire un usage politique de l’histoire est une affaire délicate. Que le même jour, de la maîtresse du cours préparatoire au professeur de physique de classe terminale, tous les enseignants de France, lisent la lettre d’un martyr, tout ça parce que le candidat de la droite décomplexée vient d’être élu président, avouez que c’est saugrenu. On a même atteint le ridicule lorsque Bernard Laporte, en supercourtisan, a lu la lettre, « maman, je vais mourir », aux joueurs de l’équipe de France de rugby avant la finale de la coupe du monde !

Seuls des événements  dramatiques et exceptionnels justifient de telles actions, comme ce fut le cas  lors du décès du général de Gaulle ou, dans les années quatre vingt dix avec l’affaire de Carpentras. Sinon, la sagesse commande, en ce domaine, de laisser faire les professeurs d’histoire. C’est leur compétence, c’est leur mission. Il faut leur faire confiance. Eux seuls savent choisir le bon texte au bon moment.

Une fidélité  sans faille au parti

Une autre question m’intriguait que je formulais prudemment de la façon suivante. Pas un seul historien (ni a fortiori un journaliste ou un homme politique) n’avait apporté la preuve que Guy Môquet avait effectivement résisté à l’occupation allemande. La réponse vient d’être donnée par deux universitaires(*). Ils ont accompli un travail de recherche et d’investigation de plusieurs années avec  une démarche scientifique rigoureuse. Ils ont procédé à des enquêtes fouillées, à la consultation exhaustive des multiples archives disponibles. Leur conclusion est catégorique : celui qui a été présenté comme un héros de la résistance n’a pas lutté contre les nazis !

Guy Môquet est le fils d’un député communiste emprisonné en automne 1939. Pionnier en 1936, membre des Jeunesses Communistes en 1939, il a été arrêté le 13 octobre 1940 pour avoir distribué des tracts. Il est, comme son père, d’une fidélité sans faille au parti.

Rappelons que le parti communiste a approuvé le pacte germano-soviétique d’août 1939, il a même été dissous pour cela. Il condamne la guerre : «Nous nous dressons avec la dernière énergie contre la guerre impérialiste ». Il prône le défaitisme révolutionnaire : «  L’ennemi n’est pas de l’autre côté de la ligne Siegfried mais bien à l’intérieur de notre propre pays ». Il recommande même des sabotages. La défaite de juin 1940 qui entraîne l’effondrement de la démocratie bourgeoise en France élimine, pour lui, un obstacle de taille sur la voie de la révolution.

Pendant l’été 1940 Maurice Tréand, avec l’accord de Jacques Duclos, a entrepris des démarches auprès de l’occupant pour faire reparaître l’Humanité. Il faut plusieurs interventions des représentants de Vichy pour faire  échouer les négociations.

Dans les tracts diffusés par Guy Môquet il n’est jamais question de l’occupant. Les communistes, loin de prôner la résistance appellent la paix de leurs vœux, ils dénoncent avec violence l’Angleterre et les gaullistes. Ils souhaitent l’instauration en France d’un régime stalinien. Ils n’ont pas été arrêtés en 1940 pour leur action contre l’occupant mais parce qu’ils militaient au sein d’une organisation illégale liée à une puissance étrangère.

Le parti communiste n’est entré en résistance qu’après le 21 juin 1941 et l’attaque de l’URSS par Hitler.

La thèse de la double ligne ne tient pas

La thèse de la double ligne selon laquelle la base antifasciste aurait résisté très tôt  (Charles Tillon, Georges Guingouin) alors que le sommet, aux ordres de Moscou, serait resté neutraliste et pacifiste ne tient pas. Le PCF est une formation léniniste au sein de laquelle l’obéissance et la discipline sont des vertus cardinales. Si des militants avaient choisi d’aller à l’encontre des ordres de la direction, cette dernière n’aurait pas manqué de prendre des sanctions.

Dans son appel du 17 juin 1940 à la lutte pour l’indépendance nationale Charles Tillon dénonce la guerre impérialiste, refuse toute alliance avec l’Angleterre, milite pour que la paix soit conclue sous l’égide de l’URSS. Georges Guingouin a souvent été insoumis, mais ses  différends avec son parti ne commencent qu’en avril 1942.

Guy Môquet a été un militant actif et courageux, un fils exemplaire, un martyr arrêté, détenu et désigné comme otage par des Français, puis fusillé par des nazis, ce qui mérite un profond respect et une légitime compassion… mais ne justifie pas les affabulations, les falsifications et les légendes. La vérité, même si « cela désenchante le réel », oblige à reconnaître qu’il n’a pas été un résistant à l’occupation nazie.

En 2007, on a honoré un jeune homme qui, loin de combattre l’occupant, a distribué des journaux qui véhiculaient des propos et des valeurs aux antipodes de la liberté, de la démocratie et du patriotisme qu’on a voulu célébrer. Bref, la mémoire de Guy Môquet qui a été instrumentalisée pendant soixante ans par les communistes, l’est depuis deux ans par Nicolas Sarkozy. Elle mérite maintenant la vérité, la simple vérité. Car, comme disait Jean Jaurès : « Il n’y a pas de vérité sacrée, c’est-à-dire interdite à la pleine investigation de l’homme…»

                                                     Jacques du Fouilloux 

(*) Jean-Marc BERLIERE, Franck LIAIGRE, L’affaire Guy Môquet, enquête sur une mystification officielle, Larousse.

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